L’affaire de la gifle donnée par le maire de cette petite commune du Nord à un ado insolent qui le menaçait de mort est absolument exaspérante et m’incite à mettre à plat quelque réflexions que je me fais et que j’échange lors de discussions depuis plusieurs années déjà.
Lorsque j’étais moi-même scolarisé, dans le dernier quart du siècle dernier, les profs étaient respectés, il régnait une ambiance studieuse dans la plupart des salles de classe. Il y avait bien quelque insolence de temps en temps, mais ça ne durait jamais bien longtemps. L’élève était rapidement exclu de la classe et accompagné chez le CPE ou le proviseur (principal au collège) par le délégué de classe. Le délégué était alors chargé de dire en quelques mots pourquoi l’élève avait été exclu avant de lui-même retourner en classe. L’exclu restait alors sur place pour se faire notifier une punition ou bien recevoir une simple soufflante par l’autorité suprême de l’établissement. Bien souvent, ça calmait bien les esprits surtout que le prof pouvait en même temps donner une simple colle de quelques heures ou un abonnement pour plusieurs semaines, voire demander l’exclusion temporaire de son cours. Plus l’élève était insolent ou provocateur, plus la sanction était lourde, il valait mieux s’écraser rapidement sous risque de passer en conseil de discipline et risquer l’exclusion temporaire ou définitive de l’établissement.
Certains profs étaient naturellement autoritaires et obtenaient le silence et l’attention de toute la classe rien qu’en jetant un regard sombre vers les chuchoteurs ou ceux qui tentaient de se passer discrètement des p’tits mots. J’ai le souvenir d’un prof d’histoire-géo au collège, sévère mais juste, qui en ayant eu assez de voir qu’un élève puni en début d’année à rester seul à une table de classe pendant toute l’année, « oubliait » jour après jour ses bouquins et ses stylos, contraignant ainsi d’autres élèves à se partager un bouquin et à lui prêter de quoi écrire. Il l’a rappelé l’ordre une semaine, lui a demandé de ne plus oublier son bouquin la semaine suivante, et l’a averti que ça allait barder s’il continuait à empêcher les autres de travailler dans de bonnes conditions. La quatrième semaine, il s’est positionné devant la table de l’élève et lui a demandé s’il avait ses affaires, l’autre a répondu que non, le prof a alors, sans un mot, cassé la table en deux avec ses poings dans un grand fracas qui a laissé tout le monde sans voix. L’élève est devenu tout blanc, s’est mis à trembler, et a été renvoyé du cours. Tout le reste de l’année, il avait son bouquin !
D’autres profs avaient plus de mal, certes, mais ils étaient néanmoins respectés. Jamais un élève n’aurait osé toucher un prof, l’insulter ou pire, le menacer sans que le reste de la classe ne s’en offusque et le remette à sa place comme c’était le cas lorsque certains dérangeaient un peu trop le cours. Quand on rentrait à la maison avec une punition ou un mot à faire signer dans le carnet de correspondance, la première réaction des parents était de dire: « Tu l’as sans doute mérité ! », et ensuite éventuellement demander à aller discuter avec le prof pour en savoir plus sur ce qui s’était passé afin de pouvoir eux aussi expliquer la punition à leur enfant et le punir eux-mêmes.
Les choses ont semble t-il bien changé… Dorénavant les élèves semblent répondre avec insolence, se rebiffer et même menacer leurs professeurs quand ils ne les provoquent pas directement.
Pourquoi et comment en est t-on arrivé à cette situation ? Pourquoi les professeurs semblent avoir perdu toute autorité ?
Prenons un cas concret. Lorsque j’étais scolarisé, si un élève, disons de maternelle, insultait, frappait ou crachait sur sa maitresse, l’enseignante le punissait immédiatement avec une fessée déculottée et une mise au coin. Se faire fesser cul-nu devant toute la classe était bien humiliant et faisait réfléchir avant de tenter une nouvelle expérience d’insolence ou de manque de respect. L’enseignante convoquait ensuite les parents afin de leur signifier le comportement anormal de leur enfant. Les parents acceptaient le jugement de l’enseignante et expliquaient alors à l’enfant qu’il ne devait pas se comporter ainsi à l’école, que ce n’était pas bien. L’enfant était donc puni/réprimandé devant ses camarades de classe et ensuite à la maison, il comprenait alors pourquoi il avait été puni et retenant de fait la leçon. Que semble t-il se passer maintenant ? J’imagine que la majorité des parents se comporte encore comme les générations qui les ont précédées, mais prenons le cas d’un autre comportement. Si la maitresse qui se fait insulter, frapper ou cracher dessus par un élève de maternelle réagit comme ses prédécesseurs avec une fessée et la mise au coin, l’enfant va se plaindre auprès de ces parents qui plutôt de prendre le parti de la maitresse, vont prendre celui de leur progéniture. Ce faisant, ils vont dans le meilleur des cas aller rencontrer le directeur de l’établissement qui ne pourra faire autre chose que remonter la plainte auprès de sa hiérarchie qui sera alors obligée de porter l’affaire devant la justice pour ne pas être accusée d’avoir laisser faire, ou alors aller directement porter plainte auprès de la gendarmerie pour mauvais traitements. Le pire des comportements étant d’aller corriger eux-même l’enseignant comme ça s’est déjà vu plusieurs fois. Les gendarmes se devant d’enregistrer cette plainte, doivent ensuite agir selon leurs procédures. Ils vont donc aller chercher l’enseignante sur son lieu de travail, bien souvent devant ses élèves, et l’emmener pour la placer en garde à vue. L’enseignant devra ensuite faire face à un procès si le procureur de la République décide que l’affaire peut être portée devant la Justice. Quelque soit l’étape de l’affaire l’enfant qui s’est mal conduit se voit avant toute chose donner raison par les forces de l’ordre qui viennent chercher l’enseignante (avec ou sans les menottes), et tous ses camarades de classe comprennent bien que la maitresse a eu tord de punir, et oublient ce qui a conduit la maîtresse à punir. Il sera ensuite tellement facile et arrangeant pour eux lorsqu’ils feront une bêtise, quelle qu’elle soit, de répondre, parce qu’ils ont bien compris la situation et sauront réciter cette leçon nouvellement apprise: « vous n’avez pas le droit de me punir sinon j’appelle la Police ». Les rôles sont de fait inversés, c’est la maitresse qui est punie devant sa classe pour avoir puni un élève. Après la maternelle, viendra l’école primaire, puis le collège et ainsi de suite… quelle autorité peuvent avoir les enseignants s’ils n’ont aucun moyen d’asseoir leur autorité dans leur propre salle de classe ? Aucune. Dans la vie en société, quelle est la première autorité qui est rencontrée en dehors du cercle familial ? C’est celle de l’enseignant, et si cette première autorité n’est pas respectée, pourquoi les autres le seraient ? Pourquoi le reste de la société, les individus qui la composent, le serait ?
Qui est responsable de cette situation ?
* Les parents ? Ceux qui vont faire justice eux-même sont avant tout des irresponsables qui donnent un très mauvais exemple à leurs enfants puisqu’ils sont les premiers à ne pas respecter l’autorité et à mal se conduire, sans réfléchir. Ceux qui attaquent en justice ne semblent pas se comporter bien mieux que les premiers, mêmes s’ils sont dans leur bon droit. Le bon sens devrait les pousser à analyser la situation et à n’aller devant la justice que pour de vraies raisons, pas pour une punition méritée. Ils devraient accepter de céder leur autorité à l’enseignant durant le temps scolaire et ne pas s’offusquer si l’enseignant en a plus qu’eux, mais plutôt profiter de la leçon et éventuellement se faire accompagner pour restaurer cette autorité défaillante.
* Les enseignants ? Ils semblent être victimes dans la plupart des cas, victimes du manque de moyens à leur disposition pour se faire respecter et pour pouvoir dispenser leurs cours dans de bonnes conditions.
* Les gendarmes/policiers ? Ils appliquent les procédures, mais pourraient faire en sorte de ne pas se rendre dans les écoles pour des faits sans apparente gravité si cela est possible.
* La Justice ? Elle ne devrait pas condamner sans bien peser les conséquences de ses condamnations. Où est-elle dans cette affaire au sujet du maire gifleur ? Où est la justice dans ces affaires opposants professeurs contre les élèves et leurs parents ? Elle semble bien souvent condamner les dépositaires de l’autorité que sont les professeurs, mais quels moyens leur donne t-Elle pour qu’ils puissent l’asseoir sans risquer de comparaitre devant Elle ? Et quelle punition au final pour les insultes ou menaces proférées qui sont à l’origine de toutes ces affaires ?
++Ajout du 24.03.2012:++
Bravo madame pour cette paire de gifle (Article de Nicematin – Menton : le lycéen conclut la minute de silence par un salut nazi) qui n’a pas été volée par votre enfant. Faudrait-il que ce petit con porte plainte contre sa mère pour que la Justice se rende compte de l’aberration de la décision de condamner le maire ?