La course à la présidentielle est belle et bien lancée, les instituts de sondage suivent de très près l’évolution des courbes d’intention de vote (ou de popularité?) de chaque candidat.
Il semble bien qu’une fois de plus seuls deux candidats prennent de l’avance sur les autres et que tout devrait se jouer entre eux, faut-il voter « utile » ou pas ?
Lors de l’élection présidentielle de 2002 c’était la même chose, Jospin et Chirac caracolaient en tête des prévisions annoncées par les instituts de sondages qui dessinaient alors l’affiche du second tour. Le candidat de la gauche lui-même semblait convaincu qu’il serait non seulement qualifié d’office pour le second tour, mais en plus qu’il en sortirait vainqueur. Une telle assurance n’est pas motivante pour la mobilisation de ses propres supporters.
Tout semblait plié d’avance et les électeurs se sont probablement dit qu’ils ne se déplaceraient que pour le deuxième tour puisque le premier ne servirait pas à grand chose, qu’il n’était qu’une simple formalité. Sauf que le 21 avril c’est bien Le Pen qui lui est passé devant alors que l’abstention atteignait 28,40%. Les deux candidats sélectionnés pour le second tour totalisent alors 10,4 millions de bulletins) Les voix sont progressivement réparties depuis Chirac arrivé premier avec 19,88% suivi de Le Pen à 16,86% puis de Jospin à 16,18% et de Bayrou à 6,84%. Viennent ensuite cinq autres candidats tous entre 4 et 5% se partageant plus de 7 millions de voix. Au total 11,4 millions de voix pour les candidats sous la barre des 6%. Au second tour il a été nécessaire de faire un vote d’opposition, un vote « utile », et non pas un vote de conviction pour être certain de barrer la route de l’Élysée au candidat du Front National, ce qui a conduit Chirac être réélu avec un score à faire envie à certains dictateurs, 82,21%.
En 2007, il n’était pas question de donner à nouveau une chance à Le Pen d’être au second tour. La stratégie de vote a été différente, cela se constate tout d’abord avec le nombre d’inscrits sur les listes (+3,2 millions) et celui de l’abstention qui a chuté à 16,23% (de 11,7 millions à 7,2 millions). Les sondages donnaient majoritairement Sarkozy et Royal au second tour, les voix se sont donc portées sur ces candidats (21 millions à eux deux, soit le double des voix exprimées pour les gagnants du premier tour de 2002) pour éviter un nouveau 21 avril et bloquer Le Pen. Ce vote n’a non plus été un vote de conviction, il fallait tout faire pour éviter d’avoir à choisir au second tour entre la peste et le choléra comme cinq ans plus tôt et c’est donc pour une candidate que je trouvais horripilante et absolument pas prête à gouverner que mon vote a été forcé de se porter. J’ai donc moi aussi voté « utile » au deuxième tour. Bayrou est arrivé 3ème avec 18,57% des suffrages suivi de Le Pen qui en totalisait 10,44%. Il a perdu des électeurs (-1,7 million), probablement ceux qui croyaient au « vote sanction » et qui se sont fait peur en voyant que la sanction qu’il avaient choisie avait franchi le premier tour en 2002. Les autres candidats n’ont récolté que peu de voix au premier tour victimes de cette peur d’un nouveau 21 avril, leurs scores ne sont pas du tout comparables à ceux du scrutin précédent: on passe à 4,08% pour Besancenot puis 2,23% pour De Villiers, 1,93% pour Buffet, 1,57% pour Voynet et tous les candidats à moins de 6% totalisent péniblement 5,1 millions de bulletin, soit une perte de 50% des bulletins par rapport à l’élection de 2002.
En 2012, ça suffit. J’en ai assez d’avoir l’impression de ne pas pouvoir voter avec conviction et de jouer le jeu des statistiques ou des sondages. J’ai toujours rempli mon rôle d’électeur mais depuis le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 j’ai le sentiment de m’être fait forcer la main en votant « utile ». J’ai même joué le jeu lors de la primaire socialiste en votant Hollande, mais ce n’était pas par conviction, il était pour moi « le moins pire » des candidats à cette primaire, celui qui avait le plus de chances de remporter ensuite la présidentielle face au président sortant. Après une longue réflexion, je voterai donc en mon âme en conscience pour le candidat qui sera le plus proche de mes idées, sans tenir compte de ce que pourra être le résultat du premier tour quitte à avoir des regrets ensuite, mais je ne voterai pas « utile ». L’électeur doit pouvoir donner sa voix librement sans avoir de remords ni jouer la stratégie.
Avec une telle règle du jeu pour l’élection présidentielle à deux tours imposée par la Constitution de la Vème République, les stratèges doivent être ceux qui récoltent les voix, pas ceux qui les donnent.
Il faut donc que les candidats pensent à une stratégie commune avant l’élection, idéalement avant même le début de la campagne, et s’allient les uns aux autres sans avoir peur de faire des concessions qu’il faudrait de toute façon faire ensuite, que ce soit après le premier tour, ou après la victoire. Les candidats doivent être les moins nombreux à se présenter au premier tour afin d’éviter que les voix d’une même famille ne soient dispersées entre ses membre. La droite réussit bien à se rassembler autour de Sarkozy, il faut que la gauche en fasse autant. Arthaud, Hollande, Joly, Mélenchon et Poutou ( »ndr »: liste présentée par ordre alphabétique) installez-vous autour d’une table, soyez responsables et présentez un candidat unique plutôt que de diviser les votes de la gauche au premier tour et risquer à nouveau un 21 avril.
Candidats du premier tour, vous êtes les seuls responsables de cet éparpillement des voix, pas les électeurs qui ne demandent qu’à être représentés.
Illustration: teddylambec
Wikipédia – Source des chiffres pour l’élection présidentielle de 2002
[Wikipedia – Source des chiffres pour l’élection présidentielle de 2007]